La Guinée traverse plusieurs crises socio-politiques notamment entre l’opposition républicaine et la mouvance présidentielle suite au non respects des accords politiques qu’elles ont signé le 08 août 2018. Ce, relatifs à l’installation des conseillers et exécutifs communaux. L’autre crise, concerne la grève des enseignants déclenchée par le SLECG depuis le 03 octobre 2018. Depuis ce jour, la reprise des cours n’est toujours pas effective dans les établissements publics. Les enseignants en grève réclament une augmentation de salaire et le gouvernement reste catégorique et gèle les salaires des enseignants grévistes. Pour parler de tout ça, guineemonde a rencontré le président du parti UMP (Union pour le Mouvement Populaire), ancien député sous la transition de 2010 et consultant juridique.
Bonjour, présentez-vous à nos lecteurs
Je me nomme Boubacar Siddighy Diallo, juriste consultant, ancien membre du conseil national de la transition et président de l’UMP Guinée, (Union pour le Mouvement Populaire).
Comment se porte votre parti UMP Guinée ?
Le parti UMP se porte bien. Nous sommes entrain de continuer aujourd’hui l’effort d’implantation. Nous avons implanté plusieurs antennes du parti à l’intérieur du pays. Notamment en Moyenne Guinée, et dans certaines grandes villes de la Guinée Forestière, (NZérékoré, Macenta et Kissidougou). Également en Basse Côte nous sommes présents. À l’étranger aussi dans la zone Asie nous sommes dans certains pays comme la Thaïlande. Nous sommes entrain de voir pour la Chine et autres pays du continent Asiatique. En Amérique latine également bientôt nous allons envoyer des équipes au Brésil et en suite voir où il y a une forte présence communauté guinéenne. Pour l’instant c’est sur ces efforts d’implantation que nous sommes.
Lors des élections communales du 04 février dernier vous avez présenté un candidat dans la commune de Matoto, quelle a été la suite ?
Pour notre première participation à des scrutins dans ce pays, nous avons présenté le plus jeune candidat avec un concept de développement innovant, avec un programme de société très bien expliqué. Sur 17 listes de candidature, nous sommes arrivés 5ème, mais tout ça après l’invalidation de 92 bureaux de vote et dans notre fief. Donc ce qui fait que sur les résultats exacts, nous avons obtenu un conseiller dans la commune. Mais après falsification des résultats à la centralisation, on se retrouve sans conseiller.
Avez-vous saisi les juridictions compétentes pour être rétablis dans vos droits ?
Non, malheureusement aucun recours n’a permis de rétablir le droit des gens, et aussi on a vu que nos autres pairs de l’opposition ont plutôt favorisé la méthode de conventions et d’accords ce qui en soi viole les lois du pays, plutôt que de se battre pour rétablir la vérité des urnes.
Si vous disposiez de preuves, pourquoi n’aviez-vous pas porté plainte ?
Les preuves sont établis et évidentes par ce que les procès-verbaux des bureaux de vote n’ont pas été signés par les tous représentants de tous les candidats. C’est la plus éloquente des preuves. Et nous on a demandé juste que les procès-verbaux des bureaux de vote soient validés, c’est ce qui n’a pas été accepté ni proposé par nos alliés. Au faite, c’est un pays sans recours. Quand vous voyez un pays dans lequel un président et les ministres n’ont aucune juridiction compétente pour sanctionner leurs délits et crimes, ça veut dire aujourd’hui que constitutionnellement le président et son gouvernement sont au-dessus de toutes les lois de la République. Donc dans ce pays, lorsqu’un candidat perd aux élections, ne vous demandez pas pourquoi il n’a pas été rétabli dans ses droits.
Actualise oblige, notre pays traverse en ce moment plusieurs crises. Commençons par la grève des enseignants, quelle analyse faites-vous de cette crise?
Je pense que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, les enseignants sont très réalistes dans leur réclamation. Aujourd’hui, un membre du gouvernement prend plus de 15.000.000 FG (quinze millions francs guinéens), sans compter son budget de fonctionnement, toutes les régies financières, les gens prennent des salaires élevés pour rendre quoi à l’Etat ? Rien du tout. Plutôt, ils deviennent des vampires pour le budget national mais ceux-ci-là ont le droit d’être engraissés !
L’enseignant ne demande qu’un traitement qui lui permet de manger les 30 jours du mois, soigner sa famille, leur trouver un toit et avoir un petit fond de retraite. Alors, quand on estime que réclamer un salaire relève de l’utopie, je dis, nous sommes dans un pays où les gens ne travaillent pas pour le bien-être des populations.
Et nous savons que l’éducation est le secteur le plus important pour la nation. Par ce que l’éducation est tributaire des toutes les découvertes scientifiques. Il a fallu des gens éduqués pour nous donner le mode de gouvernance que nous avons, à savoir la séparation des pouvoirs. Donc sans l’éducation tous les autres secteurs de la vie nationale ne sont rien.
Alors, lorsqu’il faut promouvoir ce secteur-là, je pense que ce n’est pas trop demander d’avoir l’équivalent du traitement d’un demandeur d’asile en Europe. Car ce dernier a le même traitement que ce que les enseignants réclament ici. Et lorsque l’on pense que c’est de l’utopie, c’est regrettable. Alors que ces pays qui donnent ça, la Guinée est 10 fois plus riches que ces pays. Donc il faut que l’on arrête de penser que c’est erroné de réclamer 800€, équivalent à 8.000.000 GNF (huit millions francs guinéens) comme salaire.
Pour vous, les raisons économiques qu’évoque le gouvernement pour ne pas faire face à cette réclamation ne tiennent pas ?
Ces raisons ont été toujours évoquées depuis l’indépendance. Ça fait 60 ans, dans ce pays, dès que vous réclamez une exigence, on vous dit que le pays n’est pas en mesure de la satisfaire. Mais cumuler l’ensemble des détournements de fond, des deniers publics, l’enrichissement illicite de ces petits minables fonctionnaires pendant les dix dernières années, ça peut faire le bonheur de tous les cadres guinéens.
Mais ce qui est regrettable, les populations, les organisations de la société civile, personne n’est conscient que ce petit groupe qui nous prend en otage est entrain de spolier 90% (quatre-vingt-dix pour cent) de nos revenus et les mettre dans leurs petits comptes. Et pendant ce temps, on dit aux populations l’amélioration de leurs conditions de vie n’est pas favorable.
Tout ce qu’ils nous disent c’est du mensonge d’Etat. L’argent est là. Et les revendications sont faisables. Il suffit juste que les gens prennent conscience de ce qu’on leur réclame. Aujourd’hui, aucun fonctionnaire guinéen n’a de salaire. Ils n’ont que des indemnités de précarité et de survie.
Parlons également de la crise poste électorale liée à l’installation des exécutifs et conseillers communaux, l’opposition républicaine a annoncé des actions de protestation. Une personne a été tuée lors d’une journée ville morte et plusieurs dégâts matériels ont aussi été enregistrés à Kindia. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est une situation regrettable. Le premier et seul coupable de toutes ces tueries c’est le président de la république. Les autres complices c’est le gouvernement et l’opposition républicaine qui signent des accords avec ce gouvernement tortionnaire sachant bien qu’ils n’ont jamais respecté un seul de leurs accords précédents. Je les considère tous responsables. pourquoi ?
Le parti UMP Guinée, lorsqu’il y a eu les élections et qu’il y a eu ce tripatouillage, nous avons demandé au chef de file et à l’opposition républicaine de dire à la Cour constitutionnelle, de valider les procès-verbaux des bureaux de vote, où il y a eu la sincérité de l’expression des citoyens et d’invalider tous les résultats de décentralisation. Si on se référait à ça, on aurait obtenu les vrais résultats. Les vrais maires seraient installés sans effusion de sang. Mais nous n’avons pas été écoutés.
Ils ont passé à un accord. Dans cet accord, ils pensaient pouvoir altérer la faculté des citoyens à voter. Or le droit de vote est constitutionnel. C’est un acquis.
Donc c’était bête de croire qu’on pouvait dire laisser telle ville à tel autre. On (UMP Guinée NDLR) leur a dit c’est un accord de dupe. Le gouvernement veut gagner du temps. Malheureusement on ne nous a pas écoutés.
Ils ont dribblé l’UFDG dans l’installation des maires à Dubreka, le Bloc libéral en forêt et on les a mis face à une situation accomplie à Kindia et un peu partout.
C’est maintenant qu’on va demander le rétablissement du droit et le suffrage des électeurs ? c’est peine perdue. Maintenant les gens descendent dans la rue, ils se font taper dessus, y a eu des morts, des blessés. C’est regrettable. Mais qu’est-ce qui a enfanté tout ça ? C’est ce faux accord du 8 août 2018
L’UMP avait proposé à l’opposition républicaine qu’on suspende l’installation des exécutifs communaux et qu’elle suspende sa participation à la session budgétaire, on ne nous a pas écoutés.
Comment voulez-vous que l’on montre notre sérieux à un gouvernement qui est sourd par calcul si nous leur montrons que tout avantage qu’on a, on est prêt à le protéger même si ça fragilise notre position.
Donc, gouvernement et opposition tout le monde est responsable à cause de leurs accords. Et le gouvernement qui se permet de tuer. Le président est responsable de tout ce qui advient car il est le seul guinéen qui a juré de respecter et de faire respecter les lois de la République et la Constitution en premier et ensuite il est le garant du fonctionnement des institutions.
Votre réaction sur l’attaque du véhicule de Cellou Dalein
C’est la deuxième fois que des leaders politiques sont victimes d’attaques et des tirs à balles réelles. C’est inacceptable. Les agents des forces de sécurité n’ont pas à utiliser des armes à feu pour réprimer une manifestation. Ils doivent utiliser les armes conventionnelles c’est ce que dit la loi. Et c’est inacceptable qu’on tire à balle réelle. Il faut que des enquêtes sérieuses soient menées pour que le tireur et le commanditaire soient retrouvés.
Parlons toujours de ces communales. Vous avez dit que votre parti UMP n’a pas porté plainte après avoir constaté que vous avez été victime de la fraude lors des élections, par ce que vous n’avez pas confiance en la justice. Maintenant vous sollicitez la Cour constitutionnelle pour résoudre le problème électoral. N’est-ce pas une contradiction?
La procédure, elle est fondamentale. Lorsque vous avez épuisé toutes les voies de recours, et qu’on vous a refusé et qu’on vous a mal jugé, vous pouvez exercer votre pression de manifestations de rue. Mais vous ne pouvez pas descendre dans la rue, et après revenir faire des recours. Vous ne pouvez pas altérer les voix des citoyens par des accords, et lorsque vous n’obtenez pas satisfaction de l’exécution de ces accords, vous descendez dans la rue. Vous réclamez quoi en ce moment ? Les accords ou la loi ?
Mais votre parti est de l’opposition républicaine. Comment comprenez-vous que vos suggestions ne sois pas souvent prises en compte ?
Bon, je ne sais pas. Peut-être que ça ne plaît pas à ceux qui décident. Certes nous sommes de l’opposition républicaine, mais nous avons été clair avec eux, nous siégeons au sein de l’opposition républicaine et nous prenons fait et cause de toutes les résolutions qui vont s’y prendre tant qu’ils obéissent aux lois de la république.
C’est pourquoi on a dénoncé ces accords politiques et la nouvelle loi sur la CENI car elle est erronée et elle va amener les guinéens à s’entre déchirer.
La Cour Constitutionnelle a eu un nouveau président. Mohamed Lamine Bangoura a été officiellement installé en lieu et place de Kélefa Sall destitué. D’aucuns estiment que cela sous-entend une idée d’un probable troisième mandat. Est c’est que vous partagez cet avis ?
Bien sûr c’est le projet de troisième mandat qui se prépare. Le président de république en veut à Kéléfa Sall par ce que ce dernier avait dit dans son discours d’investiture en 2015, de s’abstenir de tomber dans les sirènes révisionnistes.
Donc pour Alpha Condé, c’est déjà clair, Kéléfa Sall ne va jamais voter une loi référendaire dans laquelle il va autoriser les gens à aller à un référendum qui violerait les dispositions non modifiables de la constitution guinéenne.
C’est à dire ?
C’est à dire, dans la constitution, il y a deux parties. Ils y a une qui dispose des lois qui peuvent être modifiables en fonction de la réalité du moment. Et l’autre, des dispositions pérennes qui ne peuvent en aucun cas faire l’objet de modification. C’est même bête pour une équipe de penser qu’en changeant Kéléfa Sall, on peut avoir la possibilité de changer ce qui n’est pas changeable.
Votre perception de l’utilisation des réseaux par les jeunes guinéens. Plusieurs personnes s’inquiètent de la monté du communautarisme qui menace la quiétude sociale. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que les gens qui se livrent à envoyer des messages communautaires, ethniques ou de haines, ce sont des égarés. Par ce que ceux aux noms desquels ils parlent, ceux-ci n’osent pas dire ça.
On paie des gens pour venir insulter les uns et autres par ce qu’ils sont pauvres et sont en manquent de revenus. Qu’ils se posent la question de savoir qui n’a pas été victime de cette mal-gouvernance ? Je pense que c’est par ce qu’ils sont dans la précarité c’est ce qui les poussent à tomber dans cette ignominie et dans des dimensions qui les détruiront eux-mêmes. Car la guerre inter-ethnique n’a jamais fait gagner même ceux qui pensent l’avoir remportée.
Mais tout ça est une question de culture et c’est pourquoi il faut relever le niveau de l’éducation car c’est un facteur de paix durable et de développement.
L’UMP sera-t-elle dans la course aux prochaines échéances électorales ?
Oui s’il plaît à Dieu nous comptons participer à toutes les futures échéances électorales et même la présidentielle. Mais cette CENI qui est là doit être changée.
Votre mot de la fin
C’est de vous remercier d’abord. Je demande également à l’opposition républicaine de s’abstenir de faire des accords qui violent les lois. Qu’à chaque fois que nous avons une réclamation de nos droits, qu’on reste derrière cela.
Si l’accord doit porter sur ça, qu’on fasse l’accord, mais si c’est pour aller faire des accords pour se partagez des avantages, alors c’est qu’on est entrain de dévier de notre idéal, de notre conviction, on est entrain de tromper nos militants qui sont prêts à donner leurs vies, leur santé et leurs biens pour le combat pour le changement. Il faut qu’on s’abstienne d’aller dans ces dimensions-là par respect pour ceux qui sont prêts à tout sacrifier pour nous suivre.
On ne peut pas altérer leurs efforts dans des accords qui violent toutes les dimensions que nous réclamons et les valeurs que nous disons porter. C’est inacceptable. Et si cela doit continuer, l’UMP Guinée ne sera jamais d’accord quelque soit sa position. Qu’elle vienne de la mouvance ou de l’opposition. On n’acceptera pas parce qu’on ne va pas assumer des fautes comme ça. C’est extrêmement pesant. Chacun de nous va être jugé en fonction des actes qu’il pose dans l’histoire.
Interview réalisé par Aboubacar Diallo pour guineemonde.com