Connu en tant qu’artiste compositeur évoluant avec le style reggae, Elie Kamano s’oriente désormais vers la politique. Activiste et auteur d’un ouvrage Elie Kamano, après 21 an de carrière musicale avec des morceaux très engagés, dit au-revoir à la musique et se lance en politique. Dans cette interview qu’il a accordée à guineemonde.com, l’auteur de la chanson « pardonnez » se livre sans langue de bois. Il nous explique sa vision politique et parle de l’actualité guinéenne.
Guieemonde (GM) : Elie Kamano Bonjour
Elie Kamana (EK) : Bonjour Guineemondecom
GM : On vous connait en tant qu’artiste, qu’est-ce qui vous a motivé à faire de la politique ?
EK : On me connait en tant qu’artiste compositeur. Mais un artiste engagé à travers ses chansons. 90% des morceaux que j’ai chantés dans ce pays sont des chansons engagées. Donc aujourd’hui, la rentrée en politique est due à la grande frustration qui est dans ce pays. C’est cette grande frustration qui amène tout homme conscient et les jeunes conscients à prendre notre destin en main.
GM : Quelle vision commune avez-vous avec les opposants actuels du régime ?
EK : Aucune, sauf que, la politique lorsque l’on s’engage dedans, c’est vrai, c’est pour la conquête du pouvoir. Mais nous n’avons pas les mêmes ambitions après avoir obtenu ce pouvoir. Nous avons vu le professeur Alpha Condé qui a fait 40 ans dans l’opposition, mais aujourd’hui qui est une vraie déception en terme de gouvernance en Afrique. Donc aujourd’hui, je ne peux pas m’identifier ou vous dire qu’il y a quelque chose de commun avec ceux qui ont mis la Guinée en retard et qui ne font que changer de place. Parmi les opposants quand quelqu’un démissionne, il se retrouve dans le gouvernement et quand quelqu’un démissionne du gouvernement il se retrouve dans l’opposition. Alors que moi je ne veux pas me retrouver dans ce carcan.
GM : Comptez-vous créer votre parti politique ?
EK : Pour le moment je m’en vais avec un mouvement politique.
GM : Quel est le nom de ce mouvement ?
EK : Non, je ne peux pas vous le dire par ce que je ne suis pas prêt.
GM : Quel courant politique revendiquez-vous ?
EK : Pour le moment, c’est l’équipe qui va décider. Mais je me revendique démocrate. Je me suis battu et j’ai milité pour ça. Et je pense que nous allons faire la démocratie pour tout le monde. Et je crois qu’avec l’équipe qui est mise en place on ira sur cette base. Maintenant, c’est à chacun de me convaincre, car si je dis démocratie, c’est par ce que je ne suis pas prêt à monopoliser et à gouverner avec une autorité suprême où je dirai que tout passera par moi, non, ce n’est pas cette idée. Je viens avec une méthode qui n’est pas celle que certains d’entre vous me connaisse. Le Elie Kamano qui est impulsif, qui parfois extériorise sa frustration à travers des actes.
GM : La politique coûte chère nous apprend-on. Quels sont les moyens dont vous disposez pour satisfaire vos ambitions politiques ?
EK : Les moyens on les cherche avec les ambitions que l’on a. Laissez-moi vous dire, lorsque j’ai commencé de chanter, je n’avais même pas 200 ou 300 mille francs guinéens. C’était difficile. Je me suis lancé pas en politique par ce que les gens disent que c’est facile. Non, je sais que ce n’est pas facile. Beaucoup disent qu’Élie se lance dedans, il pense que c’est facile. Mais je le sais, ce n’est pas facile. Mais y a 21 ans, avant aujourd’hui, je vivais dans la galère. J’ai fait de la mendicité en Côte d’Ivoire, j’ai traîné dans les rues du Sénégal à Dakar. Je lance un défis, en Guinée je ne crois pas s’il y a un artiste qui a un passé douloureux comme le mien. C’est pour vous dire que la politique a aussi ses hauts et des bas. Je sais qu’en politique, on doit chercher des partenaires, mais aujourd’hui avec l’élan que j’ai dans ce pays, les gens auront le courage de miser sur moi. Certainement diront, essayons avec Elie et changeons le visage politique guinéen.
GM : Des gens disent que vous vous lancez dans la politique par ce que vous avez perdu le public mélomane guinéen, qu’en dites-vous ?
EK : Laissez-moi vous dire que j’ai tout eu dans la musique. J’ai été le témoin des deux générations. J’ai eu la chance d’appartenir à la première génération du rap avec Kils point. Ce qui veut dire, de 1997 date de la sortie de cette première compilation du rap guinéen, jusqu’en 2018, les gens parlent d’Élie Kamano comme étant un artiste émérite de la Guinée. Contrairement à d’autres artistes qui ont eu le succès et qui ont disparu. Laissez-moi vous dire que, j’ai été deux fois finaliste du prix RFI. Ensuite, j’ai été lauréat de visa pour la création, j’ai fait quatorze pays africains en tournée. Et ça, ce n’est pas donné à n’importe qui. J’ai eu beaucoup de récompenses dans ma musique. Je me suis battu de mes propres moyens. J’ai une richesse matérielle et immatérielle inestimable que j’ai gagnée dans ma musique. À Boké, lorsque je suis allé, les gens étaient très remontés, mais je suis parvenu à les calmer. C’est grâce à ma musique.
GM : Élie Kamano désormais homme politique, que pensez-vous de la nomination de Kassory Fofana comme premier ministre ?
EK : C’est une insulte au peuple de Guinée. C’est une insulte à notre intelligence. Par ce que je ne peux pas comprendre qu’il y’ait un ancien voleur et aujourd’hui un nouveau voleur. Quand j’entends les gens dire que Kassory est entrain de faire des bonnes choses, et qu’il est entrain de traquer des personnes qui ont mal géré des institutions étatiques, ça me fait rire tout simplement. Par ce qu’Alpha Condé s’est mis à flinguer Lansana Conté à cause de ses 24 ans de gestion en Guinée. Et je ne peux pas comprendre qu’il appelle ces personnes qu’il a traitées de voleur pour diriger ce pays. Ça, je ne peux pas le comprendre et je ne peux pas l’admettre.
GM : Mais Elie, disposez-vous des preuves que Kassory est un voleur ?
EK : Mais est ce qu’il y a des preuves contre Paul Moussa et Sékou Camara? C’est l’inspecteur général qui a mené des enquêtes. Et c’est à l’issue de cela qu’il a été révélé qui y a eu des malversations financières au sein des institutions qu’ils géraient. Et au temps de Général Lansana Conté, y’ avait eu des enquêtes qui n’avaient pas abouti. Pourquoi ça n’avait pas abouti? Il faut que dans ce pays que l’on arrête de faire le deux poids, deux mesures. S’il doit y avoir audit, on doit commencer par ceux qui ont géré depuis le régime Conté. Par ce que ce sont eux qui nous ont amené dans cette situation où nous sommes aujourd’hui.
GM : Certains disent que la nomination de Kassory est liée à un agenda caché. Selon vous, quel pourrait être cet agenda?
EK : Mais c’est le troisième mandat. C’est vous qui le connaissez pas. D’ailleurs j’ai été arrêté pour ça le 17 juillet 2017, lorsque j’ai décidé d’organiser une marche pour dénoncer les promoteurs du 3ème mandat. On m’a arrêté et on m’a dit qu’Élie Kamano, tu exagères. Alors que j’ étais convaincu que cela allait arriver.
GM : Désormais, que vous dites être au courant de cet agenda, que comptez-vous faire?
EK : Si Alpha Condé décide de faire un troisième mandat, il trouvera le peuple devant lui et il aura la réponse qu’il mérite.
Guineemonde : Elie Kamano, Merci beaucoup
Elie Kamano : C’est moi qui vous remercie
Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo pour Guineemonde.com